LE BASILIC

SCENE N.1 / MARCHE I / Place du marché

Les premières images sont une enluminure, fixe. Une frise décorative encadre un paysage du sud. Au bout d'un moment, deux personnes entrent dans le champ et l'on comprend qu'il s'agit d'un décor de théâtre. Les deux personnes, Padre Lucca, le curé, tout en noir, et Chino, musicien, poète et bateleur, détachent la toile de fond de leur théâtre de rue. On découvre alors le marché du village, dont les bruits commençait à nous parvenir. Au fond du marché, la ville (décor peint).

p> Les bourgeois, les paysans, les enfants se mêlent aux marchands de fruits, marchands de légumes, marchands de fromages, marchands de poules et de lapins, bonimenteur pharmaceutique, arracheur de dents, épicier, tout autour d'une place, chacun ayant mince table sur tréteaux. Chino et le curé (Padre Lucca) s'avancent dans le marché.

Un MARCHAND

Agneaux, brebis, poulardes grasseyettes

Vingt sols, la brebis ! Ola le minot déplume donc pas c'te poulard !

Un autre MARCHAND

Epices, poisons, médecines !!! Messieurs, mesdames, je soigne tout, la gale, le choléra, la bile noire et la chiasse verte, plaies sanguinolentes, la pierre et caetera. Je porte avec moi un baume de Palestine, qui noircit le cheveu gris et dément les extraits baptistaires ; une pommade de l'Atlantide qui rend le teint uni comme un miroir et rétrécit les trous de la petite vérole...enfin un élixir spécifique, un excédent de beauté et de charme, en provenance de la fiole de Tristan et d'Iseulth.

Un autre MARCHAND

Blé tendre, blé dur, pois blancs, pois verts, ils sont beaux mes poireaux...

Padre Lucca s'avance au comptoir des drapiers, où le calme et l'absence de cris contraste sur le reste du marché. Les clients se tiennent droits, respectueux. Chino regarde avec Livio les tissus sur la table.

LUCCA (de la manière la plus respectueuse)

Le bon jour, maître drapier ! Que ce jour sain vous apporte bonheur et joie.

TONIO (aîné des drapiers, très richement vêtu)

Le bon jour mon Père. Votre habit nouvel est arrivé cest'hui, de Rome, avec le jouvenceau commis. Je vous le ferai mander tantôt.

LIVIO (le second des drapiers, tout aussi richement vêtu)

Le bon jour, Padre Lucca.

LUCCA

Le bon jour, Maître Livio, que Dieu vous bénisse.

Lucca se ballade dans le marché, saluant chacun selon son rang.

Chino, qui s'est attardé auprès des marchands, finit de discuter avec Livio.

CHINO

...Alors porte moi donc six toises de toile bigarrée d'or et d'azur.

LIVIO

Il sera fait comme il se doit, maître Chino.

Il se retourne vers son commis (Lorenzo), qui discute avec des paysans.

LIVIO

Lorenzo ! Viens donc là faire rencontrailles avec le musicien !

De l'autre côté de l'échoppe, Lisabetta, la soeur des deux drapiers, très belle, discute avec Giulietta, d'allure moins noble que Lisabetta, quoique de belle prestance. Derrière elles, la servante, Béatrice, plie les étoffes sorties pour Chino.

LISABETTA

Mes frères sont si jaloux, parfois, qu'ils déchireraient la toile sur laquelle je dors!

GIULIETTA

Tonio n'est pas si mauvais bougre. Il a coeur loyal au fond.

LISABETTA

Oui, mais...

Lisabetta s'interrompt brusquement, regardant Lorenzo. Elle lui lance des coups d'oeil langoureux et, presque par inadvertance, un soupir s'échappe de son coeur. Lorenzo, qui a fini de parler avec les deux frères et Chino, regarde intensément Lisabetta, troublé, mais sans baisser les yeux. Lisabetta, conquise, baisse la tête en rougissant.

GIULIETTA (murmurant à l'oreille de Lisabetta)

Lorenzo de Messine, Dieudonné sans le sou !

Giulietta fait un signe d'amitié à Lisabetta et s'avance bravement vers les deux frères.

GIULIETTA

Ola Livio, Pardieu, Tonio, quelle belle prestance !

TONIO

Tiens ! Giulietta ! Le bon jour brunette. Voilà un ruban pour tes jolis cheveux.

GIULIETTA

La merci, bon Tonio. Je vais par le Vert-Pré tantôt...Qui sait si je verrais...

LIVIO

Nous y serons, la Giulietta, vers la midi.

Giulietta acquiesce et repart dans le marché. Elle retrouve Chino qui était resté pour observer la scène, puis le dépasse.

On suit Chino le musicien à travers le marché.

Cris de Marchands, de paysans etc.

SCENE Ndeg.2 / GIULIETTA AU CHAMP / Champ de l'assassinat

Giulietta s'avance dans la prairie, un grand panier au bras. Livio et Tonio surgissent derrière elle.

TONIO

Où cours-tu, Giulietta, avec ton petit pot de beurre !

GIULIETTA

Je vais chez la Mère Grand !

Livio tourne autour d'elle en imitant le loup

LIVIO

Ne crains-tu pas le loup, qu'il te mange ?

TONIO

N'as tu point de frayeur qu'il te croque tout cru ?

Tonio, bientôt suivi de Livio, pince, chatouille, mordille le corps de Giulietta.

TONIO

Et cette épaule mignonne...

Ce petit cou dodu...

LIVIO

Et cette croupe...Ah quel dommage de bailler ça au loup !

Les deux compères finissent par la faire tomber, ils rigolent, la chatouillent dans les grandes herbes.

Au fond du champ passe une procession composée de Lucca en tête et de petits enfants de coeur en suite. Les trois amis, au fond des herbes, se figent un instant. Giulietta, en regardant les deux garçons, se met à rire (en guise de moquerie) et leur plonge la tête dans l'herbe pour les cacher.

On suit la procession.

SCENE Ndeg.3 / ANNONCIATION / Boutique

Béatrice (la servante de Lisabetta) entre en portant des draps qu'elle pose sur des tréteaux. Derrière la table est assise Lisabetta. Un bruit les surprend. Elles tournent la tête, apparaît Lorenzo. Béatrice lance un regard à Lisabetta, qui rougit. Lisabetta fait le tour de la pièce et va s'asseoir sur un tabouret, sur lequel il y a un livre de compte. Elle le prend et, après un dernier regard vers Lorenzo, se plonge dans son livre.

Lorenzo, à l'extrême gauche de la pièce, s'avance doucement, un lys à la main. Au fond de la pièce, les drapés suspendus lui fond comme une paire d'ailes bariolées. Il s'arrête, Lisabetta lève les yeux.

LORENZO

Lisabetta, laissez-moi vous offrir cette fleur, que j'ai cueillie tantôt pour vous, elle a la douceur de vos regard, et la blancheur de votre peau.

Lisabetta sourit, coquette, repose son ouvrage.

LISABETTA

Vous voilà bien sérieux Lorenzo...et bien triste aussi.

Lorenzo pose un genoux à terre

LORENZO

Je vous en prie...

Lisabetta se lève vivement, prend un vase en grès (assez gros, avec un bouquet de lavande dedans). Elle s'avance vers Lorenzo, le vase dans une main, de l'autre elle le relève. Ils sont face à face. Lorenzo pose le Lys dans le vase, effleure le poignet de Lisabetta, remonte le long du bras jusqu'à la joue.

LISABETTA

Je ne veux pas que vous soyez triste...

LORENZO

Je...

Lisabetta met la main devant sa bouche pour le faire taire. Il va pour lui prendre la main mais elle se dérobe pour poser le vase sur une table. Lorenzo reste debout, souriant, attendri. Beatrice, à force de vouloir faire le moins de bruit possible, fait tomber une pile de draps noirs. Lorenzo, sortant de sa rêverie, se tourne vers Béatrice.

LORENZO

Hum, Beatrice, heu...Y a-t-il quelque chose pour moi ?

BEATRICE

Euh...oui, voici des draps pour Padre Lucca, il faudrait les lui porter.

Elle lui tend un paquet. Il le prend et part en disant

LORENZO

A tout à l'heure mes demoiselles !

Lisabetta a rejoint Beatrice. Elle lui met une main sur l'épaule, lui sourit.

SCENE Ndeg.4 / ENLUMINURE 1 / L'amour naissant

Premier tableau : JARDINET

Lisabetta est à sa fenêtre, devant elle Giulietta accoudée au devant de la fenêtre, elles sourient, au bord d'un éclat de rire qui ne sied guerre à leur qualité : elles regardent, attendries, de l'autre coté du tableau, Lorenzo, torse nu, qui essaie de se laver les cheveux à la fontaine. Il s'ébroue comme un jeune chien. Elles rient, Lorenzo leur fait un signe.

Deuxième tableau : BOUTIQUE

Lisabetta et Lorenzo plient un grand drap blanc ; derrière eux, les deux frères comptent leur argent, Tonio écrit sur une grande feuille, Livio fait des piles de pièces. Peu à peu les tourtereaux se rapprochent, via le drap, regardent derrière eux les deux frères, qui, concentrés, ne leur prêtent pas attention, mais ils n'osent s'embrasser.

Troisième tableau : JARDINET / BOUTIQUE

Giulietta discute chiffon avec les deux frères de Lisabetta. Elle est accompagnée d'un gamin. Lorsqu'un frère rentre dans la boutique, Giulietta fait signe au gamin de décamper. Le gamin cours jusqu'au jardinet, où Lisabetta et Lorenzo, devant la fontaine, s'embrassent très tendrement. Le gamin siffle, les amants se séparent.

Quatrième tableau : Le même JARDINET mais de nuit (un magnifique croissant de lune est accroché au ciel).

Lorenzo entre dans le jardinet, à pas de loup. Lisabetta, à sa fenêtre, lui fait signe d'approcher.

SCENE 5 / ORGIE / Chambre des frères

Giulietta, une vasque de vin à la main, fait boire au goulot Tonio qui la tient fermement par la taille. Livio, une autre vasque à la main, boit au goulot en s'avançant.

LIVIO

Ah il est bon ton vin, ma Giulietta.

Mais ma vasque est vide et mon outre est pleine

Que l'assistance m'excuse mais je m'en vais

arr-rr-oser les mauvaises herbes du jardin.

Giulietta se retourne prestement, Tonio essaie de rattraper la vasque de vin qu'il tétait, tombe à terre.

GIULIETTA

Ooh, Livio il m'en reste de mon vin !

Elle lance un coup d'oeil inquiet vers la porte.

GIULIETTA

Viens là, viens le boire.

Elle tourne autour de lui, aguichante

GIULIETTA

Aller, me laisse pas seule avec Tonio

Elle lui prend le poignet pour l'entraîner sur le lit. Livio se dégage.

LIVIO

No-on faut que j'aille arroser les orties et pisser à la lu-une.

Livio s'est si bien dégagé que Giulietta se retrouve par terre elle aussi. Tonio rampe jusqu'à elle et l'enlace.

TONIO

Me donne un baiser.

GIULIETTA (fâchée)

Non !

SCENE 6 / DECOUVERTE / Début même plan que enlum. 1D , puis chambre de Lisabetta puis chambre des deux frères.

Livio finit de pisser et repart sur la gauche en titubant

LIVIO

OOOhhh !

On le retrouve devant une porte de chambre. Il essaye d'ouvrir la porte et finit par tomber dans la chambre. Mais ce n'est pas la sienne. Au fond, Lisabetta et Lorenzo, comme deux petits anges, baignés d'une lumière dorée, dorment, sourire au lèvres. Livio est frappé de stupeur, se relève .

On le retrouve entrant dans sa propre chambre. Il arrache Giulietta des bras de Tonio et la jette dehors, un coup de pied au cul, vite esquivé par Giulietta qui s'en va.

LIVIO

Va -t'en toi, rentre chez toi friponne !

GIULIETTA

Ca va, je m'en vais, Fils à Putain va !

TONIO

Qu'est-ce qui se passe ?

LIVIO

La peste soit des boiteux, pieds bots et suppôts du diable !!

Ce maraud, vaurien, ribaud de ..

TONIO

Calme !

LIVIO

Lorenzo, avec notre soeur, Lisabetta, sous mes yeux...

Sur ma tête, je vais le faire mourir, périr,

je vais l'assommer et le férir

de gros coup de bâtons sur le chef,

et l'escouillier, le ficher en pal,

et le dépecer menu,

lui arracher les yeux à coup de pique,

le faire crever par mi parti,

le jeter en latrines puantes...

TONIO

Il faut agir en homme sensé, Livio,

et aiguiser le sens de la ruse

Ecoute...

SCENE 7 / MARCHE II / Place de marché

Même ambiance qu'en scène 1.

Giulietta, visiblement inquiète, essaye de s'approcher de Lisabetta, mais celle-ci est en compagnie d'un bourgeois (cf infra) et ne voit pas Giulietta. Après plusieurs tentatives de lui faire signe, cette dernière repart, cherchant quelqu'un.

Lucca salut une marchande de pain d'un geste auguste de la main. La demoiselle lui tend une miche de pain. Deux enfants se mettent à tourner autour du père Lucca, qui leur concède la moitié de sa miche.

LUCCA

Allez, tenez les enfants...

Giulietta s'approche de Lucca.

GIULIETTA

Père Lucca...

LUCCA

Le bon jour mon enfant...Si, comme je le crois,

tu veux me mander requête, celle-ci est accordée.

GIULIETTA

La grand merci, mon père.

Et savez-vous ce que vous m'avez accordé ?

C'est de me rendre guerredon d'un peu de temps,

demain, que je puisse parler avec vous.

Lucca s'incline, en guise d'acceptation.

Chino s'avance en jouant de la musique, au milieu des marchands qui crient indistinctement leurs marchandises. Il croise une Lisabetta très joyeuse, qui est en butte à un bourgeois indécis.

LE BOURGEOIS

Alors peut-être une toise d'azur ?

LISABETTA

Voici ce que nous avons.

LE BOURGEOIS

Ou peut-être plutôt du lin noir.

LISABETTA

Mais bien sûr Messire. Voici la pièce.

LE BOURGEOIS

Mais du lin azur, cela pourrait-il se faire ?

LISABETTA

Certes, Messire. Ne voudriez-vous pas de cette toile ?

LE BOURGEOIS

Oui.

LISABETTA (en riant)

Si ? Non ?

LE BOURGEOIS

Oui, je ne voudrais pas de cette toile.

Le bourgeois fait mine de s'en aller.

LISABETTA

Et bien, Messire, qu'il soit fait comme il vous plaira.

Le grand merci mon bon seigneur !

Lorenzo, qui discute avec un bourgeois, lui aussi est bien souriant. Les deux frères, très sombres, s'approchent de lui.

TONIO (le plus aimablement du monde)

Ola Lorenzo, laissons donc les femmes finir le marché,

puisqu'elles sont de si bonne grâce.

Accompagne nous à la ville, qu'on boive et qu'on s'amuse un brin.

LORENZO

J'accepte avec joie, messire.

Les deux frères encadrent Lorenzo. En partant, ce dernier fait un petit signe discret à Lisabetta.

SCENE 8 / L'ASSASSINAT / Prairie de la scène 2

Les deux frères, en carriole, avancent sur le chemin. Lorenzo, à pied, derrière eux, essaye péniblement de les suivre. Tonio regarde son frère puis arrête la carriole. Livio descend ; Lorenzo les rejoint, reconnaissant. Il tend sa canne à Livio pour monter dans la carriole, Livio prend la canne et retient Lorenzo par le col. Il commence à le bastonner avec la canne.

LIVIO

Maître maraud veut faire le monseigneur !

Ce ribaud-là veut faire le joli coeur

Mais il souffrira male mort avant

que le soleil ne se couche.

Lorenzo s'écroule. Livio continue de frapper

LIVIO

Maudit sois tu vaurien, lourdeau,

porc couillu, groin de cochon, cul de jument...

Tonio se joint à son frère et l'égorge.

TONIO

Qu'enfer te prenne, te graille et toste. ...

Maudit soit tu, boiteux du diable...

SCENE 9 / LES SOUPCONS / Eglise

Guilietta et Lucca, devant l'église, discutent.

LUCCA

Quelles nouvelles, ma bonne Guilietta,

t'en vas tu me conter cest'hui ?

GIULIETTA

Mon père, sans foimentir,

j'aimerais promettre des épousailles, d'ici la Saint-Léger...

LUCCA

Par Dieu, tu en sais toujours plus

que les bois de mon confessionnal.

Alors, dis-moi, ma Giulietta, puisqu'il ne me sied guerre de deviner...

GIULIETTA

Il s'agit de Lorenzo, le beau commis tout jouvenceau,

des maîtres drapiers, mes amis...

LUCCA

Oui, je sais ! Aurais t- il gagné le coeur de Beatrice ?

GIULIETTA

La servante ? Par Dieu, non, mon Père,

il n'a point placé son coeur si bas,

mais c'est la belle Lisabetta qu'il aime d'amour ardent.

Et elle de l'aimer le plus qu'elle peut.

LUCCA

Que dieu bénissent ces enfants.

GIULIETTA

J'ai fort grand peur, mon Père, que les frères ne soient jaloux

et trouvent le Lorenzo guère assez bien né.

LUCCA

Le pauvre Dieudonné n'est certes ni preud'homme, ni chevalier.

Mais s'il l'aime d'amour ?

GIULIETTA

Vous savez comme moi leur violence légendaire.

Ils ont grand coeur, certes, mais s'ils viennent à soupçon de déloyauté,

ils chercheront à se venger autant qu'ils le pourront.

Chino arrive et les interrompt.

CHINO

Le bon jour belle Giulietta. Dites moi,

avez-vous vu Lorenzo, qui ce tantôt devait querrer

des drapés pour le mystère de ce dimanche ?

Giulietta et Lucca s'échangent un regard angoissé. Lucca fait le signe de la croix, Chino, dans le doute, le fait aussi.

SCENE 10 / ENLUMINURE 2 / L'attente

Deuxième tableau : JARDINET. Lisabetta est à la fontaine, le menton dans la paume, la tête penchée, très triste. Giulietta, à ses cotés, lui prend l'autre main, compatissante.

Troisième tableau : BOUTIQUE. Lisabetta, apathique, regarde les autres manger. Les deux frères se regardent inquiets.

Quatrième tableau : EGLISE. Lisabetta, à genoux et en pleurs devant l'église, prie. Lucca s'approche d'elle et lui caresse la tête, puis la bénit.

Cinquième tableau : CHAMBRE DE LISA. Lisabetta est allongée sur son lit, en robe blanche, les cheveux épars. Beatrice s'approche avec des linges mouillés et en met sur le front brûlant de Lisabetta.

SCENE 11 / LA VISITATION / Chambre Lisabetta et Théâtre de Chino

Lisabetta est allongée sur le ventre en travers de son lit, habillée, elle dort. La pièce est plongée dans une semi-obscurité, on est au milieu de l'après-midi, de longs voiles blancs sont tirés à la fenêtre.

Soudain, les voiles se soulèvent et s'écartent. Lisabetta se retourne dans son sommeil puis ouvre les yeux. De l'autre côté de la fenêtre, le théâtre de Chino s'est décoré d'une toile de fond qui représente le lieu du crime. Sur la scène, Lorenzo apparaît : Il est habillé normalement mais ses habits sont poussiéreux, avec des traces de terre sur les bras et aux genoux. Il tend la main vers Lisabetta mais des voiles blancs, très fins, l'empêchent de descendre de scène.

Lisabetta se lève, comme en état de demi-veille. Lorenzo commence à parler, elle s'approche de la fenêtre.

LORENZO

Mon amour, il faut cesser de pleurer ainsi, d'abîmer ton beau visage de tes larmes salées. Il faut cesser de m'attendre aussi car le dernier jour que tu m'as vu fut le dernier jour que j'ai vécu.

Mon amour, je ne t'ai pas abandonnée, et je ne t'aurais jamais quitter, mais aujourd'hui je suis mort et je ne peux plus t'embrasser.

Sèche tes larmes ma Lisabette.

Il s'approche du devant de la scène, les voiles s'écartent et se referment au gré du vent.

Lisabetta tend un bras dans sa direction.

LISABETTA

Où es-tu ? Viens plus près, viens.

LORENZO

Non, je peux pas.

Tes frères m'ont emmené sur ce chemin, et c'est ici que j'ai fini. Ils m'ont brisé les os parce que je t'aime, ils m'ont jeté là, sans remords, sans prières. Mais tu vois, je reste près de toi.

Les drapés grenats qui ferment la scène de théâtre tout à coup tombent. Lisabetta se penche un peu plus à la fenêtre, puis, à reculons, retourne se coucher. Les rideaux blancs reprennent leur place normale et Lisabetta se rendort.

Après un temps, Lisabetta se réveille en sursaut. Elle se lève de son lit, se précipite à la fenêtre mais le théâtre est vide : ni voiles, ni rideaux grenats, ni fond de scène. Elle s'écroule, se pelotonne sous la fenêtre et appelle faiblement.

LISABETTA

Béatrice, Beatrice...

SCENE 12 / DECOUVERTE DU CORPS / Champ de l'assassinat

Lisabetta cours à en perdre haleine dans le champ dépeint dans la scène précédente. Beatrice, derrière a beaucoup de mal à la suivre.

BEATRICE

Attendez-moi Lisabetta !

LISABETTA

C'est là. C'est là te dis-je.

Regarde, la terre est encore fraîche...

Aide-moi Beatrice.

Beatrice prend la pelle des mains de Lisabetta et commence à enlever la terre qui recouvre le corps. Lisabetta qui trouve que ça ne va pas assez vite, s'agenouille et commence à enlever la terre de ses propres mains.

BEATRICE

Je sens quelque chose

Elle arrête de retirer la terre et se penche sur le sol. Elle déterre un bras. Les deux filles tirent le corps. Lisabetta s'agenouille auprès de Lorenzo et prend la tête dans ses bras, enlève la terre resté sur le visage et l'embrasse.

BEATRICE

Ne restons pas là, Lisabetta, si on nous voyait !!

Lisabetta se relève, tire un grand couteau de dessous sa robe. On reste sur Beatrice, horrifiée, qui se cache le visage dans ses mains.

Lisabetta pose la tête sur un linge.

LISABETTA

Aide-moi à le remettre en terre.

Beatrice et Lisabetta le reprennent à bras le corps, le recouvrent de terre. Beatrice finit la besogne tandis que Lisabetta enroule la tête dans le linge et cache la tête dans son tablier. Beatrice s'agenouille devant la tombe.

BEATRICE

Notre père qui êtes aux cieux, que votre volonté soit faite que votre ...

LISABETTA

Plus tard, Beatrice, rentrons, Dieu le reconnaîtra.

Je sais qu'il l'a déjà reconnu.

Lisabetta et Beatrice se signent et repartent vers la ville, en marchant doucement.

SCENE 13 / MISE EN VASE / Chambre de Lisabetta, intérieur et extérieur.

La scène quoique sans dialogue sera pleine de bruits divers, souffle de Lisabetta, bruits du vent dans les arbres, etc.

Lisabetta nettoie bien proprement la tête de Lorenzo. Puis elle prend son gros vase en grès où il y avait de la lavande et du Lys, pose les fleurs sur une table. Elle met un peu de terre au fond du vase, puis délicatement y pose la tête de son amant. Elle rajoute de la terre, puis une toute petite plante de basilic, arrose un peu l'ensemble, puis s'agenouille auprès du vase et pleure en priant. Tous ses gestes sont lents, presque ralentis.

Pendant ce temps là, derrière elle, dans l'encadrement de la fenêtre, diverses personne passent sans s'arrêter, très vite (en accéléré), puis Giulietta, qui se dégage du fond. Elle s'approche de la fenêtre, et observe toute la scène, d'abord inquiète, puis effrayée, puis stupéfaite. Elle se cache de la vue de Lisabetta. Celle-ci, au bout d'un instant se relève et prend son vase. Elle s'approche de la fenêtre. Giulietta a juste le temps de passer de l'autre côté de la fenêtre. elle sort du cadre en courant.

SCENE 14 / AU THEATRE / Théâtre de Chino

Chino et Lucca font répéter des enfants sur la scène. Les drapés de Chino ornent le fond de scène.

CHINO

A toi, le Diable

LE DIABLE

Désespérance chère soeur,

est-il mort ?

DESESPERANCE

J'attend...j'attend....

CHINO

J'attend que le coeur

soit crever et par mi parti ...

DESESPERANCE

...Et par mi parti

Et puis tantôt sera sorti

Il s'en viendra tira via

LE DIABLE

Je ne sais que diable il y a

je ne l'ouïe pousser ni toussir

Et toutefois n'en peut issir

son âme...

Giulietta passe devant le théâtre.

GIULIETTA

Bravo ! Viva ! Allez le diable !

Mais qui fait le Judas ?

Chino lève la main en guise de réponse. Giulietta s'avance vers le père Lucca.

LUCCA

Continuez sans moi, les enfants.

Chino, reprends la fin du Judas.

CHINO (drapé en Judas)

Puisque désespérer me faut

Et priver de toute espérance...

Lucca a rejoint Giulietta. Ils se parlent tous deux à l'oreille. On suit les comédiens sur scène.

CHINO

Et que le don d'espoir me faut

Je n'ai plus métier d'assurance

Abrège moi, Désespérance

Il est temps qu'à ma mort entendes

DESESPERANCE

Voici un vieux sureau tordu

Qui a des branches largement

Et te soutiendra puissamment

Monte sus et je t'aiderai...

SCENE 15 / ENLUMINURES 3 / LE BASILIC

Le Basilic grandit miraculeusement. On suit l'évolution du basilic (sur la vitre, en peinture), et à différentes étapes, différents tableaux :

Premier tableau : BOUTIQUE Lisabetta est à côté de son vase, qui a déjà commencé de pousser. Des paysans passent devant et observent. Derrière, Livio et Tonio regardent l'ensemble, les bras croisés.

Deuxième tableau : BOUTIQUE. Lisabetta pleure devant son basilic, Livio la rabroue. Tonio et Beatrice ne bougent pas.

Troisième tableau : BOUTIQUE .Lisabetta et son basilic qui a atteint une taille impressionnante, est entourée d'enfants, et de Giulietta. Des enfants touchent le basilic, très impressionnés. En face, les deux frères jettent un regard très angoissé sur le basilic.

SCENE 16 : LES REMORDS / Chambre de Livio et Tonio.

Livio joue avec de rares pièces de monnaie. Tonio taille une plume d'oie.

TONIO

Beau prodige que ce Basilic !

LIVIO

Depuis que cet arbre nous a ensorcelés, les gens viennent à la foire pour voir la merveille ...mais plus personne n'achète.

TONIO

Et Lisabetta les décourage, qui fait sa tête

de femme furieuse...Encore une de ses trouvailles.

Ca lui suffit pas de nous déshonorer, et de faire entrer

le diable et ses sortilèges en la demeure.

LIVIO

Pardieu, elle finira par nous perdre tous deux.

TONIO

Comme elle a perdu Lorenzo. C'est ainz son âme qui nous hante.

SEQUENCE 17 / LES COMMENTAIRES / Eglise

Giulietta et Lucca, contre le mur de l'église, discutent.

GIULIETTA

Ces choses extraordinaires qui se produisent,

mon Père, je ne vois guerre que le Malin

pour être à l'origine de cela.

LUCCA

Il faut accepter ce signe comme un signe du Divin,

Giulietta. C'est l'âme du pauvre Lorenzo

qui s'exhale ainsi des senteurs du basilic.

Le mal plane sur cette famille de marchands

depuis tellement longtemps.

Mais à quoi bon implorer la miséricorde divine

si ces deux frères eux-mêmes ne veulent sauver leur âme.

GIULIETTA

Je ne suis plus si riace depuis

que j'ai connaissance de la vilenie

de ces tristes sirs de mauvaise engeance,

ces ribauds, pernicieux...

LUCCA

Cesse de te tourmenter Giulietta,

ce miracle véritablement merveilleux

nous montre bien que vérité doit se faire jour.

SEQUENCE 18 / MARCHE III / Marché (cf scène 1)

Au THEATRE : Lucca et Chino, assis sur les planches du théâtre, finissent d'écrire leur chanson sur le Basilic. Chino accompagne sa parole d'accords de la mandoline.

CHINO

...Dans ce vase en grès de Messine

Qu'il y a - t- il du beau Lorenzo

Reprenant une voix normale.

CHINO

Et là, par Dieu, je ne saurais dire...

LUCCA (qui continue la chanson)

....Son âme, ses yeux, sa bouche, sa tête

Pas du Basilic seulement

CHINO et LUCCA (ensemble, comme une évidence)

...Mais cet arbre si odorant

Est-il vivant ou bien mourant

LUCCA

Après on renvoie au refrain...

Que fait pousser le basilic

Le bel arbre si odorant et cetera.

Devant la boutique des drapiers : des bourgeois et des paysans passent sans rien acheter. Livio, qui s'énerve, les fait fuir en leur criant dessus.

LIVIO

Bouh ! Wouah ! Maudits véreux, vilains cornus ...

Les badauds se dispersent.

Giulietta et Beatrice s'approchent de Lisabetta, assise en retrait de son basilic.

BEATRICE

Venez, ma belle, ne restez pas ici.

Venez chercher réconfort auprès de la Vierge Marie.

GIULIETTA

Venez, Lisabetta, Beatrice a raison, allez querrer refuge à l'église. Il n'est point bon de tout garder dans le coeur.

Lisabetta les suit sans forces.

SEQUENCE 19 / LE BRIS DU BASILIC / Dans la continuité

Livio , dans un immense fracas, brise la vitre du basilic.

LIVIO

Basilic maudit ! Toi ! C'est toi la cause de tous nos maux !

Devant l'église : La Malédiction s'opère et Lisabetta s'évanouit dans les bras de Giulietta et de Beatrice.

BEATRICE

Seigneur Dieu !

GIULIETTA

Lisabetta ! Lisabetta !

Les deux filles allongent Lisabetta sur les marches de l'église. Giulietta lui tapote les joues, puis lui prend un instant la main. Elle se relève et cours jusqu'au théâtre. Beatrice, à genoux, prie.

Devant la boutique, les deux frères découvrent, horrifiés, la tête de Lorenzo, au milieu des débris du pot de basilic.

Au Théâtre : Lucca et Chino, entourés des enfants commencent à chanter la chanson du basilic. On entendra la chanson jusqu'à la fin.

Qui fait pousser le basilic

Le bel arbre si odorant

Qui a tué le bel amant

Le fruit de son amour ardent

Lisabetta pleurait sans cesse

Personne ne peut la consoler

Il aurait fallu Lorenzo

Mais qui peut dire dans quel état

Il est aujourd'hui et si même

Il est vivant ou bien mourant

Qui fait pousser le basilic

Le bel arbre si odorant

Qui a tué le bel amant

Le fruit de son amour ardent

Livio Tonio savaient peut être

Où était le beau Lorenzo

Dans quelle plaine, sous quelle terre

Dites nous : l'avez-vous tué ?

Mais ils ne disent pas si même

Il est vivant ou bien mourant

Giulietta court dans le marché.

Livio et Tonio ferment leur boutique.

Giulietta arrive auprès de Lucca.

GIULIETTA

Mon père, elle est morte.

Giulietta se retourne vers les enfants et les spectateurs attroupés.

GIULIETTA

Lisabetta est morte !

Ce sont ses frères qui l'ont tuée ! Sachez-le !

Aussi vrai qu'ils ont tué Lorenzo de Messine !

Tout en haranguant la foule, elle commence à amasser des pierres dans son tablier.

GIULIETTA

Qu'ils soient bannis et maudis les mécréants qui ont fait ça !

Qu'on les lapide et qu'on les saigne !

Qu'on les enterre dans le purin !

Elle descend du théâtre, suivie des autres et, alors que les deux frères s'en vont du village, elle leur jette des pierres.

LES PAYSANS ET LES BOURGEOIS

Vauriens, Maraud !

Fils à putain ! Mauvais gloutons !

Malemort ! Miséricorde !

Maudits ! Couards ! Coquins ! Ribauds !

Lucca repart vers l'église et s'agenouille auprès de Lisabetta.

Le GENERIQUE commence, avec, en fond sonore, la chanson du basilic.

DECORS

COSTUMES

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